Réaliser une chronique radio... en deux heures ! - Lettres - Académie de Normandie

Réaliser une chronique radio... en deux heures !

Virginie GOURNAY, enseignante au lycée Marguerite de Navarre d’Alençon, revient dans cet article sur le projet de chroniques radio que ses élèves réalisent tout au long de l’année.
Retrouvez ici son témoignage, accompagné des principaux documents, supports du travail mené.

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Le recours à la webradio et la webTV est de plus en plus fréquent dans les établissements de l’académie et l’on s’en félicite. La séquence présentée ici illustre les potentialités remarquables de ces nouveaux médias scolaires, qui permettent aux élèves de produire un oral dit de prestige, dont la diffusion garantit une belle valorisation de leur travail. Grâce à une préparation en autonomie qui repose sur des connaissances à sélectionner et organiser, sur l’expression d’une réception personnelle grâce au journal culturel et sur les échanges argumentatifs entre pairs, ils sont capables, en un temps très limité, de s’exprimer de façon personnelle avec clarté et conviction sur les œuvres qu’ils ont choisies. Ces séances constituent donc en particulier une préparation très efficace à la deuxième partie de l’oral des EAF, mais elles contribuent pour largement à la formation de lecteurs, d’orateurs et d’individus en mesure de formuler une analyse et une opinion.

 Présentation de l’action

 Établissement et classe
Lycée Polyvalent Leclerc Navarre, Alençon (61), classes de 2nde, 1ère, Terminale.

 Constat initial
La mise en œuvre de cette activité est une réponse à la difficulté d’organiser au lycée des séquences principalement centrées sur le travail des compétences orales. La chronique radio réalisée en deux heures, pratiquée régulièrement, permet une appropriation progressive de compétences orales. Elle dépasse le cadre de l’exercice scolaire de préparation des épreuves orales du baccalauréat, et engage les élèves dans une production authentique.

 Lien avec le programme
Entraînement à l’oral de l’EAF et au Grand Oral.

 Objectifs didactiques et pédagogiques
Réaliser une chronique radio (de trois à quatre minutes) en deux heures sur une lecture cursive, un film (dans le cadre de Lycéens au cinéma) ou sur une pièce de théâtre.

 Connaissances mobilisées et développées

Apprendre à contrôler ses réactions, à gérer son émotivité (la prise de parole en direct peut en effet générer du stress) ;
Entrer dans l’échange oral : écouter, réagir, s’exprimer, s’adapter ;
Exprimer son opinion, ses convictions, son engagement, son désaccord, exprimer son point de vue de manière argumentée ; raconter, décrire, expliciter un raisonnement, présenter des arguments. Dans une situation d’échange, présenter un travail en tenant compte des points de vue des autres et en utilisant un vocabulaire précis, savoir adapter ses propos en fonction des interlocuteurs.
Connaissances lexicales et linguistiques : utiliser le vocabulaire de façon précise et correcte ; connaissance et emploi pertinent des phrases interrogatives.

 Durée, organisation
La réalisation d’une chronique radio se déroule en deux heures. Elle est réitérée à quatre ou cinq reprises dans l’année, sur les trois niveaux du lycée.
Les élèves se répartissent par groupes de quatre ou cinq et s’attribuent les rôles d’animateur ou chroniqueurs.

 Description de la séance

En amont de la séance : compte-rendu de la lecture cursive ou du film dans le journal culturel (avis personnel, personnage préféré, passage préféré, liens avec d’autres œuvres ...)

Extraits de journaux culturels sur "Cujo" de Stephen King. La chronique radio correspondante est disponible à l’écoute en bas de page.

Déroulé de la séance de 2 heures

 20 minutes : Écoute en podcast de la Chronique de Clara Dupont-Monod sur France Inter : analyse de l’organisation de la chronique, de l’expression du point de vue, des arguments apportés et des exemples donnés, de la modulation de la voix…
 1 heure : Constitution des groupes (en fonction du choix des lectures, le cas échéant). Chaque élève choisit ensuite son rôle dans le groupe : animateur ou chroniqueur.
Puis recherche des thématiques du livre ou du film que chacun veut aborder, recherche d’informations sur l’auteur, expression des points de vue argumentés avec des exemples précis...
 20 minutes : À la fin de l’heure, le réalisateur récolte les informations et réunit son équipe afin d’établir le fil conducteur de la chronique (cf. document ci-contre).

Exemple de conducteur de chronique radio établi par les élèves
Virginie Gournay


 20 minutes : Une fois le fil conducteur établi, les élèves s’isolent dans des salles voisines (sans la présence du professeur) pour enregistrer l’émission de radio avec le téléphone posé au centre de la table. Une fois posé, celui-ci n’est plus manipulé. L’enregistrement se fait en une fois si possible. Il faut être concentré, écouter l’autre, ne pas faire de bruits parasites. Durée approximative de l’enregistrement : 3 à 4 minutes.

L’enregistrement peut être diffusé sur le site du lycée ou sur Pod de l’académie de Normandie (faire remplir le formulaire d’autorisation d’enregistrement et d’utilisation de la voix).

 Entretien

Virginie GOURNAY revient sur la mise en œuvre de ce projet au cours d’un échange avec Caroline LETEINTURIER, IAN Lettres Normandie.

 Quel est selon vous l’intérêt principal de cette action ?
L’intérêt principal de ces chroniques radio est double : d’une part, chaque lecture, film, spectacle, sortie, peut être retravaillée grâce à ce dispositif car il offre aux élèves un espace d’expression, un temps où peut se déployer leur parole. D’autre part, cette activité, pratiquée à plusieurs reprises au cours des trois années de lycée, amène les élèves à travailler leurs compétences orales tout au long de leur cursus et dans un contexte authentique, puisque les productions sont le plus souvent publiées sur le site du lycée ou sur la plateforme académique POD. C’est une activité qui est maintenant ancrée dans les habitudes de travail des élèves.
Le dispositif mis en œuvre permet également aux élèves timides ou peu à l’aise en classe de s’exprimer, de faire valoir plus facilement leur point de vue dans le cercle restreint de leur groupe de travail.
Et c’est une tâche réellement complexe et riche : travail collectif, écriture, élaboration d’une argumentation, organisation et répartition du travail, éloquence…

 Quels conseils donneriez-vous à des collègues qui envisageraient d’expérimenter ce dispositif ?
J’ai été amenée à expérimenter ce dispositif dans le cadre de Lycéens au cinéma, en collaboration avec Renaud Prigent, coordonnateur du projet. Nous ne disposions que d’une séance de deux heures pour faire produire une émission de radio aux élèves ! Je n’y croyais pas du tout… et pourtant, chaque groupe d’élèves est parvenu à un résultat intéressant dans ce temps si court.
C’est cette expérience qui m’a convaincu de proposer à nouveau ce travail à mes classes, ce que je fais depuis plusieurs années maintenant.
Il faut accepter de modifier sa posture et de laisser aussi les élèves travailler à leur rythme : par exemple, je suis assez présente auprès des groupes lors de la phase de préparation de la chronique. En revanche, j’apprends à me tenir en retrait lors des enregistrements. Le temps imparti à cette étape du travail est en fait assez court, et les élèves le gèrent très bien (et même mieux à les entendre !) en autonomie. Ils s’autorégulent et les productions témoignent d’un travail sérieux.

 Avez-vous rencontré des difficultés ? de quel ordre ? comment les avez-vous surmontées ?
Les difficultés sont avant tout liées aux conditions matérielles. C’est pour cette raison que j’ai fait le choix d’« alléger » le côté technique : pour les enregistrements, les élèves utilisent leur propres téléphones, ou des enregistreurs numériques Zoom H4 leur sont prêtés par l’établissement. Il n’y a pas de montage en post-production.
Il reste toutefois à trouver des lieux calmes pour obtenir des réalisations correctes : j’ai, pour ma part, l’opportunité de disposer de trois salles sur un créneau de deux heures, ce qui est réellement appréciable.

 Quelle a été la réaction des élèves ?
Les élèves sont désormais habitués à cette activité et l’apprécient. Ils sont contents de « réussir » tout seuls, ils se voient progresser.
La toute première séance de l’année consacrée à ce projet a pour objectif de les sensibiliser aux attendus d’une chronique radio. On dresse ensemble la liste des critères de réussite de l’exercice de sorte que les élèves soient en mesure de s’autoévaluer.

 Dans quelles compétences les élèves ont-ils particulièrement progressé ?
Les élèves progressent dans plusieurs domaines de compétences. Leurs prestations lors de l’épreuve orale du Bac blanc, par exemple, sont un bon indicateur de cette évolution : les prises de parole, les postures, sont plus assurées, mais pas seulement. Ils ont aussi consolidé des habitudes d’approche des œuvres. En effet, suite au travail préparatoire fait en autonomie, dans le cahier culturel, les échanges qui ont lieu dans le groupe les aguerrissent à la défense argumentée de leurs opinions.
Je trouve également qu’ils ciblent plus facilement leurs besoins. Par exemple, au cours des premières chroniques, il est apparu à beaucoup que l’expression d’un avis personnel sur une œuvre supposait la maîtrise d’un lexique précis et varié, et certains étaient clairement en difficulté sur ce point. C’est donc spontanément qu’ils m’ont demandé de faire un travail plus spécifique sur le lexique et l’expression d’un avis personnel.

 Avec le recul, pensez-vous que des ajustements seraient souhaitables ?
J’effectue les ajustements en fonction du retour des élèves. Ils sont nombreux à réclamer l’écoute des travaux des autres groupes que celui dans lequel ils ont travaillé. Même si quelques chroniques sont mises en ligne, il n’y a pas de temps dédié à l’écoute jusqu’à maintenant.
J’ai aussi proposé aux élèves de réaliser ce travail avec la WebTV à disposition dans l’établissement, mais l’enthousiasme a été très modéré ! Pour le moment, nous en restons donc à la radio.

 Comment avez-vous évalué le projet ?
Les critères d’évaluation sont discutés et établis dès la première séance consacrée à l’écoute et l’analyse d’authentiques chroniques radio. C’est en s’appuyant sur cette grille d’évaluation que chaque élève peut alors autoévaluer sa prestation Je fais régulièrement un retour sur les chroniques, mais ce n’est pas systématique : je souhaite justement que l’investissement dans ce travail ne dépende pas totalement de mon évaluation qui revêt ici, de toute façon, une visée clairement formative. C’est pourquoi je la formule le plus souvent comme des conseils adressés au groupe.

 Avez-vous été surpris(e) des résultats obtenus ? en quel sens ?
Je suis agréablement surprise des résultats et je vois nettement l’évolution entre les premiers travaux et ceux réalisés en fin d’année. D’ailleurs, le temps dévolu à l’enregistrement diminue tout au long de l’année. La chronique est enregistrée en dix minutes seulement lorsque les élèves maîtrisent toutes les dimensions de l’exercice. Et la qualité est au rendez-vous.
La chronique radio est tout à fait transférable et adaptable à d’autres niveaux et à d’autres disciplines.

Quelques exemples de chroniques radio
Chronique radio sur Cujo de Stephen King
Chronique radio sur Les Lumières de la ville de Charlie Chaplin
Chronique radio sur le portrait d’une femme choisie par les élèves