Le corpus poétique en Lettres : une opportunité pour écrire en classe - Lettres - Académie de Normandie

Le corpus poétique en Lettres : une opportunité pour écrire en classe

- Format PDF Enregistrer au format PDF

 Constat :

Les écrits des élèves, s’ils répondent souvent à une demande scolaire, ne sont pas toujours envisagés selon une réelle démarche d’expression personnelle. De même pour l’analyse de textes, souvent menée par le professeur, mais sans que les élèves soient vraiment partie prenante de cette lecture, sauf si on excepte quelques questions ciblées pour stimuler leur intérêt.
D’où une interrogation :
Comment amener nos élèves à considérer le texte (le leur, mais aussi celui des auteurs) non seulement comme un exercice scolaire, mais aussi et surtout comme un réel support d’expression personnelle, engageant et stimulant ?
C’est l’enjeu de ce travail mené en classe de troisième, au collège Marcel Grillard de Bricquebec.

 Objectifs :

 Faire découvrir aux élèves l’oeuvre d’un grand poète du vingtième siècle
 Enrichir leurs écrits par l’intermédiaire de corpus de textes
 Leur faire comprendre l’intérêt de travailler en brouillons et enrichissements successifs

 Les compétences travaillées :

 Lire des oeuvres littéraires, fréquenter des oeuvres d’art
 Utiliser l’écrit pour penser et pour apprendre
 Exploiter des lectures pour enrichir son écrit
 Maîtriser la structure, le sens et l’orthographe des mots
 Construire les notions permettant l’analyse et la production des textes et des discours

 Déroulé :

La séquence prend place en classe de troisième, à l’occasion de l’étude de l’entrée du programme "Regarder le monde, inventer des mondes".
Il est d’emblée précisé aux élèves la finalité de ce travail : écrire des poèmes en hommage à Guillaume Apollinaire, qui seront ensuite publiés le 9 novembre (anniversaire de sa disparition) sur le pont Mirabeau à Paris, et qui pourront être "flashés" par les passants, à l’aide d’un système de QR codes.
On le voit : l’enjeu ici est celui d’une écriture "authentique", conçue pour autrui, ce qui bien entendu donne une dimension plus motivante au projet.

La séquence commence par une question adressée à la classe : "qu’est-ce que la poésie pour vous ?". Les élèves listent de façon individuelle leurs idées au brouillon, puis les réponses sont compilées sur un document collectif, vidéo-projeté au tableau, pour être visible par tous. Les premières interrogations surgissent : quid de la forme (rimes ou pas ? Régularité du vers ? Nombre de syllabes ?) et du fond (des thèmes de prédilection ? Peut-on parler de tout en poésie ?)

Puis leur est proposée la lecture d’un premier corpus de textes, avec cette question : "D’après vous, parmi ces textes, lesquels sont des poèmes ?".
En groupes, les élèves répondent à l’écrit en justifiant à l’aide d’arguments : présence ou non de rimes, rythme, sonorité, étrangeté des thèmes...
Plusieurs groupes passent ensuite au tableau pour restituer l’état de leur réflexion, avant que le professeur ne livre finalement la solution : en réalité, tous ces textes étaient des poèmes, très différents les uns des autres (vers libre, prose, Haïkus, sonnet...).
Cette activité va permettre d’affiner et de corriger les représentations des élèves, qui sont souvent très simples et figées concernant la poésie : non, un poème n’a pas forcément de rimes, de strophes, de vers… Elle va également permettre d’arriver une définition large de la poésie, qui va ensuite guider l’écriture : un texte poétique comporte une certaine musicalité, un rythme, une écriture particulière grâce aux figures de style, une forme de sincérité, et bien entendu, un propos original.

Les élèves sont ensuite invités à écrire un premier jet de leur poème, en respectant cette définition, et en choisissant un thème dans une liste : l’amour, la mort, la mélancolie, la liberté, la nature, la guerre...

Un exemple de premiers brouillons ici :

Les élèves qui le souhaitent peuvent ensuite partager leur texte avec la classe, qui va émettre, de façon bienveillante bien sûr, des critiques pour les aider à améliorer : travailler l’originalité, le nombre de figures de style, la musicalité…

On propose ensuite un travail spécifique sur les figures de style, afin d’enrichir les brouillons : métaphores, comparaisons, personnifications… On demande aux élèves d’inclure progressivement les figures de style pertinentes qu’ils ont pu inventer, toujours en rapport avec le thème choisi.

On passe ensuite à l’étude d’Alcools.
Les poèmes des corpus proposés ont été sélectionnés au préalable par le professeur, en rapport avec les thèmes des élèves.
Le corpus n’est donc pas étudié dans son intégralité, mais seulement en rapport avec les thématiques choisies, même si bien entendu les élèves peuvent naviguer à leur guise et lire d’autres poèmes. On leur envoie un document numérique, qui va leur permettre de circuler entre les textes avec un système d’hyperliens, et, pour les élèves qui le souhaitent, des photocopies des poèmes.

La consigne est de lire les textes, puis de choisir des extraits qui pourraient être inclus dans leurs brouillons.

Comme le travail d’écriture a créé une appétence, une curiosité (“Monsieur, regardez, Apollinaire lui aussi a écrit des poèmes sur l’amour !”), les textes du corpus sont perçus d’une façon différente par les élèves : non pas objets d’un exercice passif, mais opportunités d’observer et de s’approprier l’écriture d’un “professionnel”. Ce sont alors eux qui posent les questions, dans le but d’améliorer leurs productions, renversant la perspective scolaire classique, passant du statut de récepteur à celui plus actif de critique : comment le poète exprime-t-il l’amour, l’amour, la guerre ? Quelles figures de style utilise-t-il ? Pourquoi ce choix de ne pas faire de rimes ? Pourquoi l’absence de ponctuation ?

Le professeur fournit alors les explications nécessaires, qui seront à la fois outils d’analyse mais aussi propositions méthodologiques pour améliorer les textes.

Une fois ce temps d’appropriation passé, les élèves sont une nouvelle fois invités à enrichir leurs poèmes, en incorporant des extraits d’Alcools, ceux qu’ils aiment, qu’ils trouvent judicieux, pertinents, touchants… et en justifiant leurs choix à l’oral.

Quelques exemples de travaux ici :

Poème-vidéo de Lou sur le thème de l’amour

Poème-vidéo de Candice sur le thème de la mort

Finalement, les textes sont publiés.

 Conclusion :

Cette séquence a permis aux élèves de développer leurs compétences d’écriture et d’analyse, à travers un projet engageant et motivant. Envisagé selon l’angle de l’écriture, le corpus littéraire peut ainsi s’avérer un formidable levier en termes de productions d’écrits, à condition bien sûr de viser l’enrichissement progressif des écrits initiaux des élèves, et de ne pas seulement leur assigner un rôle de certification finale.